Sculpture de par Philippe Péneaud. Unique exemplaire.
"Notre monde est plongé dans la nuit. Notre monde s'enfonce plus que jamais dans les ténèbres, ténèbres de la violence, de la cruauté, de la barbarie. Le fracas des bombes et des armes retentit partout au Moyen-Orient. Les cris des enfants montent dans le ciel d'Alep, d'Erbil, de Qaraqosh. Martyrs de notre temps, enfants blessés, déchirés, exilés, abandonnés. Enfants perdus dans la nuit cherchant désespérément leurs parents, enfants fantômes errant dans les hôpitaux enveloppés de bandages. Enfants d'Alep, enfants d'Erbil, enfants de Qaraqosh, enfants meurtris dans votre chair, nous ne vous oublions pas. Oui, en cet instant où Dieu descend dans la chair, il descend dans votre chair meurtrie, il vient habiter votre chair meurtrie, il répand sa lumière dans votre chair meurtrie, il répand le feu de son amour. Le Verbe se fait chair et il choisit la chair la plus pauvre, la chair la plus déshéritée, la chair la plus démunie, la plus innocente, la chair d'un petit enfant. Lui, de condition divine, il s'anéantit lui-même prenant le visage et le corps d'un enfant. Il choisit de naître comme un enfant perdu dans la nuit, la nuit la plus longue de l'année, la nuit la plus profonde, dans l'endroit le plus caché au bout du monde, le plus pauvre, le plus précaire, dans une mangeoire à bestiaux au fond d'une étable parmi des animaux. Lui le Dieu d'avant les siècles, le Dieu immortel, il naît comme un enfant mortel parmi les enfants mortels, dans la pureté, dans l'innocence, dans la faiblesse, dans la pauvreté. Noël, dit Maurice Zundel, c'est la révélation de la pauvreté de Dieu à travers une pauvreté humaine. Aujourd'hui, les enfants d'Alep, d'Erbil, de Qaraqosh ne sont plus seuls. Aujourd'hui, le monde n'est plus seul. Aujourd'hui, nous ne sommes plus seuls. Il descend dans notre chair, il nous rejoint dans notre misère, dans notre grande pauvreté. Il nous manifeste son amour fou. Oui, nous sommes aimés, aimés à la folie, aimés jusqu’à la mort. Car il nous aime jusqu’à se laisser meurtrir lui-même dans sa propre chair. L'enfant divin enveloppé dans les bandelettes aujourd’hui et déposé dans une mangeoire annonce en effet le Christ enveloppé dans son suaire et déposé dans le tombeau. La mangeoire aujourd’hui et le tombeau demain forment un seul et unique mystère, le mystère de l'amour brûlant de Dieu, le mystère de son don éperdu d'amour. Alors face à cet abaissement mystérieux, incompréhensible, totalement amoureux, fondu d'amour, nous nous inclinons avec tendresse et nous osons la vie, nous osons l'espérance. Oui, face à cet abaissement inouï, nous en avons la certitude : le monde peut-être sauvé. Nous en avons la certitude en ce jour lumineux : Dieu descend et prend à bras-le-corps la détresse et le cri de ses enfants. Oui, nous en avons la certitude : il investit totalement leurs souffrances. Il les étreint et elles deviennent siennes. Par Lui, en Lui, avec Lui, elles s'ouvrent sur la vie au lieu de se recroqueviller sur le désespoir et la mort. Une espérance est née. Elle ne vient donc pas de l'extérieur, elle ne vient pas des hommes, mais nous la trouvons en cet enfant qui vient de naître pour délivrer son peuple. Cette espérance ne consiste pas à exulter de joie tout en fermant les yeux sur les souffrances innommables traversées par les enfants. L'espérance nous appelle au contraire à vivre ce conflit entre la joie inhérente à cette naissance de l'enfant divin et la souffrance des enfants innocents, à l'éprouver dans une tension maximale. Nous sommes écartelés entre deux extrêmes, crucifiés sur l'autel de notre conscience. Mais l'espérance nous amène à ne pas séparer la joie et la souffrance, à ne pas les disjoindre, mais au contraire à les tenir ensemble, à les unir. Oui, aujourd’hui cette espérance est née." (Homélie de père Philippe, Monastère du Buisson Ardent, 25 décembre 2014)