Comment donc saint Luc dit-il que l’enfant était couché dans une crèche ?
Voici: Joseph et Marie n’ayant pu trouver asile dans une maison, à cause du grand nombre d’étrangers
venus à Bethléem pour le recensement, S’étaient réfugiés dans une étable; la Vierge mit alors au monde
l’enfant-Dieu, et le coucha dans la crèche de l’étable. Cette explication, saint Luc lui-même
la donne en disant « Elle coucha l’enfant dans la crèche, parce « qu’il n’y avait point de place
pour eux dans l’hôtellerie. » (Luc, II, 7.) Mais ensuite elle le retira de là et le prit sur ses genoux.
A peine arrivée à Bethléem, la Vierge accouche; cette circonstance n’a rien de fortuit,
elle fait partie du plan divin touchant le mystère de l’Incarnation, elle est nécessaire pour
l’accomplissement des prophéties. Mais qui put porter les mages à adorer l’enfant?
Ce n’était pas l’extérieur de la Vierge qui n’avait rien d’extraordinaire, ni l’apparence de la maison
qui était loin d’être magnifique, ni le reste de l’entourage où l’on ne voyait rien qui pût frapper
et captiver. Cependant non seulement ils l’adorent ; mais ils ouvrent leurs trésors, et lui font
des présents, plutôt comme à un Dieu que comme à un homme, puisque la myrrhe et l’encens sont
particulièrement dus à Dieu. Qu’est-ce donc qui les prosternait en adoration devant un enfant,
sinon ce qui les avait déjà portés à quitter leur maison pour faire un si long voyage, c’est-à-dire,
l’étoile d’abord, puis la lumière que Dieu répandit en même temps dans leurs âmes, et qui les conduisit
peu à peu, et les éclaira de plus en plus? Sans cela comment expliquer ces honneurs divins rendus
à un enfant entouré d’un si pauvre appareil? Mais parce qu’il n’y a ici rien de grand pour les sens,
parce que les yeux n’aperçoivent qu’une crèche, qu’une étable, qu’une mère pauvre,
la grande sagesse des mages, se montrant seule, n’en éclate que mieux, et il faut nécessairement
que vous compreniez que ce n’est pas vers un pur homme qu’ils viennent, mais vers Dieu même,
et vers le Sauveur du monde. C’est dans cette vive foi que, bien loin de s’offenser de toute
cette bassesse extérieure, ils se prosternent devant l’enfant, et lui offrent des présents
qui n’avaient rien de charnel comme les offrandes des Juifs. Car ils ne lui immolent point
des brebis ni des veaux, mais des dons mystérieux très rapprochés de la grâce et de l’excellence
de l’Eglise, et qui sont les symboles de la science, de l’obéissance et de la charité.
« Et ayant reçu en songe un avertissement du ciel de n’aller point retrouver Hérode,
ils s’en retournèrent à leur pays par un autre chemin. » Admirez encore ici la foi des mages.
Car comment ne sont-ils point scandalisés, ni surpris de cet avis ? comment sont-ils demeurés fermes
dans l’obéissance , sans se troubler et sans raisonner ainsi en eux-mêmes?
Si cet enfant était quelque chose de grand, et s’il avait quelque puissance, pourquoi serions-nous
obligés de nous enfuir, et de nous retirer si secrètement? pourquoi, après que nous avons paru
librement et hardiment devant tout un peuple, sans craindre le bruit et l’étonnement de la ville ni
la fureur du tyran, un ange vient-il maintenant nous chasser d’ici, comme des esclaves et des fugitifs ?
Mais ils n’ont ni ces pensées dans l’âme, ni ces paroles dans la bouche. Car c’est en cela proprement
que consiste la foi, de ne point chercher les raisons de ce qu’on nous dit, mais d’obéir simplement
à ce qu’on nous ordonne.
Commentaire de saint Jean Chrysostome sur l’Évangile selon Saint Matthieu, Homélie VIII